Traversée du Golfe de Gascogne !

Une fenêtre météo s’est ouverte ! Vite c’est le moment de quitter la Bretagne direction l’Espagne !
Nous partons de Camaret jeudi midi.
Il grêle ! Le vent est un peu fort, mais il vient de l’arrière du bateau donc nous avançons vite. Comme souvent dans cette région, les vagues viennent de plusieurs directions à la fois, nous sommes bien secoués, mais super contents de partir enfin !
La première nuit il n’y a pas de lune, et nous sommes maintenant loin de la terre : le ciel étoilé est plus scintillant que jamais et les étoiles se reflètent dans la mer. Le long de l’étrave du bateau, on voit du plancton qui brille.

Chacun reste éveillé à tour de rôle.
Pour cette traversée, nous avons été rejoints par Mia, qui souhaite aller en Espagne à la voile. Nous alternons donc 2h de veille et 4h de sommeil chacun. La personne qui est de quart s’occupe de surveiller la marche de Passpartout, vérifie le trajet sur la carte et surveille les bateaux autour.
Les deux premier jours, Marine et Mia sont très malades, dès qu’elles ne sont pas de quart, elles dorment, quelle que soit l’heure de la journée ou de la nuit ! Elles vont souvent vomir, ce qui fatigue beaucoup.
La deuxième nuit, le ciel est couvert.
Comme il n’y a pas de lune, et que les étoiles sont cachées, il fait complètement noir. On ne voit pas la différence entre la mer et le ciel, c’est une sensation très étrange. Heureusement, nous avons le GPS pour nous repérer. Nous croisons des bateaux de pêche qui travaillent, ce sont des petits points lumineux dans le noir, que nous devons éviter. Il faut donc changer de route régulièrement.

Rencontre avec les habitants.
Samedi, nous voyons des ailerons au loin. Des cétacés s’approchent pour jouer avec l’étrave du bateau. Leur aileron est épais, et leur évent est très gros : ce ne sont pas des dauphins. Lorsqu’ils se rapprochent et commencent à sauter autour de nous, nous découvrons leur tête : elle est toute ronde ! Nous ne connaissions pas ces cétacés, et on se creuse la tête pour savoir desquels il s’agit : on dirait des bélougas, mais les bélougas sont blancs. Ensuite, on a pensé aux marsouins, mais ces derniers ont le ventre blanc. Ce n’est que lorsque nous rentrerons à terre que nous pourrons vérifier sur internet : il s’ait de globicéphales noirs. Ces cétacés sont assez gros : ils peuvent mesurer entre 5 et 6 mètres. On les reconnait à leur étrange tête arrondie.
Le vent est très capricieux.
Il est fort, puis soudain s’arrête complètement, et repart quelques heures plus tard. De plus, il devrait changer de direction mais il reste toujours face à nous, ce qui rend la navigation beaucoup plus longue car Passpartout est un bateau qui avance bien quand le vent vient de l’arrière. Quand il vient de face, il faut zigzaguer, et le bateau n’est pas très rapide. Selon la puissance du vent, nous modifions la surface de nos voiles : on réduit ou on augmente la grand voile, et on change la voile d’avant.
Nous allumons parfois le moteur quand le vent est trop faible pour avancer, mais nous n’avons pas beaucoup de réserve d’essence alors ce n’est jamais plus de quelques heures. Le reste du temps, quand le vent est trop faible, il faut s’armer de patience… On ne s’ennuie pas en mer, le temps est différent : on lit, on regarde la mer, parfois il y a quelques oiseaux de large qui jouent avec le vent (des mouettes, des fous de Bassan et des guillemots de Troïl), chaque coucher et lever de soleil est magnifique. On dort beaucoup aussi : il faut se reposer dès que c’est possible, car on ne sait pas ce qui arrivera ensuite. Parfois, il faut rester réveiller pendant de longues heures s’il faut faire des manœuvres.
Au bout de quelques jours, nous commençons à prendre le rythme de la navigation. Maintenant que nous avons bien dormi, on a des moments où nous sommes réveillés tous en même temps. L’occasion d’un petit apéro au coucher du soleil !
La nuit de dimanche, c’est le calme plat.
Pendant son quart, Mia réveille Marine : il n’y a presque plus de vent et le régulateur d’allure (un pilote automatique qui se dirige avec le vent) n’arrive pas à diriger le bateau. Nous nous retrouvons au milieu d’un groupe de bateaux de pêche avec un bateau très peu manœuvrant. Il aurait suffi d’allumer le moteur pour sortir de là, mais impossible, il refuse ! Tout le monde sur le pont pour surveiller le trajet de Passpartout et des bateaux de pêche autour. Nous faisons une annonce à la radio pour signaler aux navires de pêche que Passpartout est non manœuvrant et appelons à la prudence, mais personne ne répond. A la barre, Marine essaye de trouver le petit filet de vent pour sortir de là. Avec le noir qui confond le ciel et la mer, c’est assez difficile de se retrouver. Enfin, nous réussissons à sortir de là. Mia et Wenceslas retournent se coucher, et Marine est récompensée de ses efforts par un magnifique lever de soleil. Le lendemain, Wenceslas répare le moteur, ouf, ce n’était pas grand chose !
Nous recevons des points météo depuis la terre, qui nous permettent de prévoir notre navigation.
Du vent est prévu pour les jours qui viennent. Le vent devrait tourner et venir de l’est (de côté), ce qui sera plus confortable et plus rapide. Mais il va monter assez fortement, dans une zone qui est dangereuse.
Le vent augmente progressivement.
La nuit de lundi, il est prévu de beaucoup monter, et les vagues aussi. Avant que la nuit tombe, nous faisons donc les manœuvres de changement de voile, car c’est toujours mieux de le faire de jour que de nuit. Wenceslas monte une petite voile d’avant (le petit foc) et prépare la plus petite (le tourmentin), au cas où il faille réduire encore plus dans les heures qui viennent. Chacun prend son quart la nuit, avec comme consigne de ne jamais sortir tout seul et de toujours rester attaché avec son harnais de sécurité. Le régulateur d’allure s’occupe de diriger le bateau, et l’équipier de quart vérifie toutes les dix minutes en sortant la tête que le bateau va bien et qu’il n’y a personne autour. Le bruit du vent et des vagues est assez impressionnant, surtout que la nuit amplifie les sensations.

Mardi matin, le vent commence à vraiment monter.
Le régulateur d’allure n’est plus capable de diriger le bateau. Il faut décider quoi faire : si nous réduisons trop la taille de nos voiles, nous allons ralentir et risquer de nous retrouver dans la tempête pendant la nuit prochaine, et la nuit, tout est plus dangereux. Si nous gardons trop de voiles, le bateau deviendra instable. Dans ces conditions météos, c’est Marine qui prend la barre car c’est elle qui est la plus à l’aise pour diriger le bateau avec beaucoup de vent. Wenceslas lui, est meilleur pour s’occuper des manœuvres de voile.
En fin de matinée, le vent devient encore plus fort.
Il faut réduire les voiles. Première option : garder la voile d’avant et enlever complètement la voile d’arrière, mais le bateau est moins manœuvrant avec une seule voile. Deuxième option : réduire la voile d’avant et garder la voile d’arrière avec ses trois ris, ce qui déséquilibre un peu le bateau car il y a trop de voile d’arrière proportionnellement à la voile d’avant, ce qui a tendance à faire dériver le bateau brusquement dans les rafales. Nous décidons de choisir la seconde option, qui demande une bonne concentration à la barre, mais qui permet à Marine de rester bien manœuvrante pour se diriger dans les vagues. Car plus le vent monte, plus les vagues montent aussi, et elles viennent depuis le côté du bateau. Pour chacune d’elle, il faut être très attentif à les prendre dans la bonne direction, il faut rediriger le bateau sans cesse. Une petite erreur à la barre pourrait rapidement provoquer un accident. Parfois, des grosses vagues déferlent sur le bateau : nous sommes trempés !
Enfin, on voit la terre !
Ce n’est pas encore la fin car les reliefs de la côte ont tendance à faire accélérer le vent. Pas le moment de se relâcher ! Vers 17h, le vent vient enfin de tourner, il vient maintenant de l’arrière. C’est plus confortable mais pas moins dangereux. Vers 18h, nous passons une pointe, qui nous protège subitement du vent. Ouf, c’est fini ! Les vagues redeviennent petites, le vent plus calme. Marine redonne la barre à Wenceslas : elle réalise qu’elle est mouillée jusque ses sous-vêtements ! Elle était jusqu’ici trop concentrée pour s’en rendre compte mais maintenant que la pression retombe,tout son corps tremble de froid. Elle enlève ses vêtements et file se réchauffer dans son duvet, pendant que Wenceslas et Mia se chargent des deux dernières heures de navigation jusqu’au port.
Quand Passpartout arrive au port de La Corogne, il fait déjà nuit. Tout le monde va se coucher, on verra demain pour ranger !
Le lendemain seulement, nous rangeons le bateau et profitons du soleil espagnol pour faire sécher nos matelas, nos couettes, nos cirés et tous nos vêtements trempés !
Espagne, nous voilà enfin arrivés !

